Lukas d'Hoore - Qu'importe le temps

Quand et comment êtes-vous entré dans l'hôtel perdu ?
Je dirais que je suis arrivé dans ce coin perdu il y a à peu près une dizaine d'année. A vrai dire, je ne me souviens pas exactement de la date. Et plus le temps avance et plus c'est flou. C'est bizarre non ? Car après tout c'était un des moments les plus importants de ma vie mais aujourd'hui...cela me paraît être ordinaire.

Je viens d’Écosse vous savez, Édimbourg plus exactement, c'est là bas que je suis né, sur le vieux continent. J'étais un jeune de banlieue, de la campagne comme on dit et j'étais brillant, ça oui brillant. Un petit gars intelligent et passionné par ces livres. Pas vraiment apprécié par le autres gamins du coin mais je m'en contentais.
J'ai grandi et j'ai été admis à l'université, la prestigieuse Oxford, dans un cursus d'histoire américaine. J'étais fier quand j'ai eu mon diplôme. J'ai voyagé à travers le monde pour donner des conférences, des cours parfois, j'en ai rencontré du beau monde, ça je vous le dit.
Et puis ma destination m'a mené à Philadelphie, franchement je saurais même plus vous dire pourquoi exactement. Un voyage ? Un congres ? Peu importe, le résultat c'est que maintenant je suis coincé ici.

C'était un soir de pluie humide, il était tard, peut-être minuit, ou une heure du matin ? Oui une heure plutôt, ça me paraît être le bon horaire. La lune était à son zénith, belle et fière, brillante parmi les étoiles de la petite route de campagne aux abords de la grande ville. Le parking il était complètement désert, il n'y avait personne, pas même un chat. Je me rappelle encore de ce silence étrange, il semble que j'étais perdu et sans batterie pour brancher google map. J'étais aussi très fatigué, la veille je m'étais engueulé avec ma femme au téléphone. Elle, elle était bloquée à Londres et elle en avait marre que je passe mon temps à vadrouiller. C'était pour le travail que je lui avais dit mais dans sa crise de paranoïa elle était persuadée que j'avais une maîtresse. Si seulement. Du coup j'ai pas dormi, j'ai peut-être bu un peu aussi après ma conférence, au vieux bar du coin, là où personne te pose de questions.

J'avais un peu d'argent dans ma poche alors je me suis dit pourquoi pas ? Ouais l'endroit à l'air miteux mais franchement vu mon état, je voulais seulement un matelas pas trop dégueulasse sur lequel je puisse m’effondrer. Le veilleur il était un peu étrange, pas bavard comme gars, m'enfin moi non plus. J'ai pris ma clé, j'ai ouvert ma chambre et je me suis endormi.
Puis le matin me voilà, bloqué en 1880, quelle blague hein ? J'avais même pas pu dire au revoir à ma chère femme, j'étais perdu, c'est tout.

Quelles ont été vos premières impressions en découvrant ce nouvel univers ?
Je crois que le mot miteux serait approprié non ? Oui miteux, sale, pas le grand luxe quoi mais au vu du prix, j'aurais du m'y attendre. A vrai dire c'est pas vraiment ce que je cherchais. Un matelas et une pièce pour dormir, voilà mon objectif quand je suis entré par ici.
C'était assez silencieux aussi, d'ailleurs c'était bien étrange car généralement ce genre d'endroit est rempli d'âmes égarés. Prostituées, voyou, dealer, ceux qui cherchent à rester introuvable, vous voyez le genre quoi.

J'ai pris la clé 182 et l’ascenseur m'a amené à l'étage adéquate. Honnêtement au vu du bruit des moteurs, j'ai cru qu'il allait rester coincer mais heureusement je suis arrivé à destination. Le couloir sentait le renfermé, la moquette ne semblait pas être de première main. La peinture au mur était vieille, un peu écaillé par endroit. La porte de ma chambre elle grinçait et j'ai cru que j'allais casser la serrure. J'ai du forcé pour rentrer là dedans, je m'attendais presque à un placard à balais. Mais finalement c'était mieux que ce que j'avais pensé. Au moins ça ne sentait pas la pisse de chat moisi, si vous voyez ce que je veux dire. La moquette était propre, la chambre simple. Un lit au milieu, avec des draps frais et une vieille couverture verte à carreaux. Une petite table de chevet avec une lampe d'un autre âge. Les néons de la chambres étaient assez jaunâtre en y pensant et ils clignotaient un peu, surement un problème de tension du courant. J'ai même pas regardé la salle de bain, j'ai à peine pris le temps de m’effondrait sur le lit et j'ai dormi.

C'est le bruit des voix de la rue qui m'ont réveillé et des claquements de fers de chevaux. De chevaux ? C'était quoi ce bordel ? Il y a des chevaux ici encore en circulation à Philadelphie ? Il ne me semblait pas avoir vu qu'un festival était en ville pourtant, et ça je l'aurais su car c'était un peu mon métier les festivals historiques vous voyez.
Les rideaux beiges laissaient passés un grand soleil. Je me suis levé en grognant, j'avais faim et j'aurais bien bu un bon café serré pour me réveiller. Ma tête me faisait mal, résultat de la cuite de la veille. J'ai ouvert la porte de la salle de bain, pensant prendre un bonne douche bien chaude. C'est en ouvrant les yeux que je me suis rendu compte qu'il n'y avait pas vraiment de douche. J'aurais du me douter qu'il y avait un problème au vu du prix. Non seulement une cuvette en porcelaine blanche avec des motifs de fleurs bleus et un récipient rempli d'eau fraiche. Un vieux miroir d'un autre temps, encadré par du vieux bois. Bien bien, c'était rustique et je n'avais pas prévu de me laver à l'ancienne.
J'ai sorti une chemise à carreau rouge du tas de fringues que j'avais pioché à la hâte dans mon sac, ainsi qu'un slip propre et des chaussettes noires. Mon jean pas tout à fait frais ferait l'affaire.

Un coup de brosse et j'ai cru halluciné quand je suis sorti de la chambre. Pas d'électricité, de mieux en mieux mais surtout une femme de chambre en tenue du dix neuvième siècle devant moi, avec un chariot en bois qui roulait dans le couloir. Je me suis pincé le bras pour voir si je ne rêvais pas. En descendant, le même veilleur mais vêtu différemment m'a salué de la main.

- Bienvenue au West Dependance Mr D'Hoore, j'espère que vous apprécierez le séjour.


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